Nouvelle législation européenne en matière d’essais cliniques

“Le projet pilote lié au nouveau règlement relatif aux essais cliniques a renforcé la Belgique en tant que référence en matière d’essais cliniques”

Anne Lenaers travaille à la division Recherche et Développement (usage humain) de la DG PRE autorisation. Elle a travaillé sur l’implémentation en Belgique du nouveau règlement relatif aux essais cliniques. Depuis 2017, elle a en effet été chargée du projet pilote, qui préparait l’AFMPS, les comités d’éthiques et les sponsors à la mise en application de ce nouveau règlement. 

Anne Lenaers

Le nouveau règlement EU 536/2014 relatif aux essais cliniques est entré en vigueur le 31 janvier 2022. Quel impact cela a-t’il eu sur le travail de l’AFMPS, en amont ?
C’est un véritable changement dans notre manière de travailler. Selon l’ancienne législation (directive 2001/20/EC), pour qu’un essai clinique – que ce soit académique ou commercial – puisse démarrer en Belgique, il faut une autorisation de l’AFMPS d’une part et du comité d’éthique d’autre part. Ces deux instances travaillent en parallèle, sans se concerter.

Notre agence traite des données scientifiques tandis que le comité d’éthique se penche – sans surprise – sur les aspects éthiques. Les deux instances rendent chacune un avis. Le sponsor a besoin que les deux avis soient positifs pour lancer son essai clinique en Belgique. L’ancienne directive peut encore être choisie comme base légale par les sponsors pendant une période de transition d’un an (jusque début 2023).

Le nouveau règlement, lui, exige un travail de concert puisque chaque demande doit recevoir un avis unique de la part de la Belgique. Soit un avis consolidé entre l’AFMPS et le comité d’éthique. De plus, désormais, les comités d’éthique ne sont plus contactés directement par le sponsor. L’AFMPS est le seul point de contact pour le sponsor. Nous avons donc dû réorganiser notre manière de travailler, en collaboration avec les comités d’éthique.

Que sont ces comités d’éthique ?
Dans le cadre du nouveau règlement pour les essais cliniques, ce sont des comités d’éthique qui doivent être reconnus et agréés selon la loi du 7 mai 2017 relatif aux essais cliniques de médicaments à usage humain. Pour cela, ils ont dû introduire une demande d’agrément à l’AFMPS. Suite à cette demande, les inspecteurs Bonnes pratiques cliniques de l’AFMPS ont inspecté chaque comité d’éthique afin de vérifier s’ils satisfont aux critères d’agrément, tels que définis dans cette loi et ses arrêtés d’exécution. Actuellement, en Belgique, il y a quinze comités d’éthique reconnus pour travailler sur l’évaluation de dossiers essais cliniques dans le cadre du nouveau règlement. 

Selon le nouveau règlement, le comité d’éthique en charge d’un dossier d’essai clinique doit être indépendant des hôpitaux où cet essai a lieu. Ce qui est également totalement différent de la manière dont on travaille avec la directive pour les essais cliniques : le comité d’éthique qui évalue est celui de l’hôpital dans lequel l’essai a lieu.  

L’AFMPS travaille donc désormais directement avec les comités d’éthiques …
Non, un nouvel organisme a été créé : le Collège Essais Cliniques. Ce collège est notre point de contact avec les comités d’éthique. Il est totalement indépendant de l’AFMPS et est instauré au sein du SPF Santé publique. Il est constitué d’un staff administratif composé notamment de gestionnaires de dossiers et d’un conseil (board) constitué de médecins et de juristes. Ce board est chargé de vérifier la qualité des évaluations des comités d’éthiques. L’objectif est d’encore professionnaliser les évaluations des comités d’éthiques. 

Se préparer à l’implémentation d’une nouvelle législation européenne, surtout quand il a un impact tel que le nouveau règlement pour les essais cliniques, doit être un travail de longue haleine !
La législation a été publiée en 2014. Elle est entrée en application en janvier 2022. Pourquoi un tel laps de temps ? Parce qu’il fallait mettre sur pied un portail européen, le Clinical Trials Information System (CTIS), qui serait l’unique point d’entrée dans lequel les sponsors enregistreraient leurs dossiers liés aux essais cliniques en Europe. Il a fallu beaucoup de temps pour créer ce portail. Cela a été compliqué : la législation est complexe, il y a beaucoup de données à intégrer en un seul portail. Cela dit, cela nous a permis de lancer un projet pilote dès 2017, qui nous a préparés concrètement à la nouvelle législation. 

Pouvez-vous nous expliquer ce projet pilote ?
Son objectif était de tester au maximum les mécanismes liés à la nouvelle législation européenne : l’AFMPS en tant que seul point de contact national pour le sponsor, la nouvelle manière de fonctionner avec le Collège Essais Cliniques et les comités d’éthique … avant la mise en application de cette nouvelle législation. Nous ne sommes pas les seuls à avoir fait cela, en Europe. Mais, en Belgique, nous proposions un des projets le plus proches de la future réalité de terrain. 

Le projet belge a dû être très intéressant pour les sponsors !
Tout à fait. La Belgique était déjà une référence en terme d’essais cliniques. Le projet pilote a sans doute encore renforcé cette position. Nous avons organisé plusieurs séances d’informations sur l’avancée du projet. Les sponsors avaient ainsi déjà une idée claire de la manière dont ils allaient devoir procéder une fois la nouvelle législation implémentée. Ils ont pu adapter leurs procédures en conséquence. C’était la meilleure manière pour eux de se préparer. Nous avons d’ailleurs été victimes de notre succès : à un moment nous avons manqué de ressources et nous n’avons pas toujours pu respecter les délais tels que prévus dans la procédure pilote.

Pourquoi ?
La participation au projet pilote se faisait sur base volontaire. Les sponsors pouvaient évidemment continuer à soumettre leurs dossiers selon la procédure classique. Nous espérions que de nombreux sponsors voudraient participer à ce projet pilote. Et nous n’avons pas été déçus. A un moment donné, 50 % des dossiers introduits l’étaient via notre projet pilote. Ce que nous n’avions pas anticipé, c’est le temps nécessaire pour traiter les dossiers pilotes en l’absence du portail européen. Cela nous a pris beaucoup plus de temps que prévu. Nous avons eu du renfort, mais cela n’a pas été suffisant étant donné la quantité de dossiers reçus, la situation liée à la crise COVID-19 et à la préparation à l’implémentation de la nouvelle législation. En parallèle, beaucoup de nos collaborateurs ont été occupés avec la crise COVID-19. Et, pour ajouter une couche, en 2021, mon collègue Hans Vincke et moi avons dû nous former à l’utilisation de la plateforme CTIS, puis y former nos collègues. La masse de travail a donc énormément augmenté et nous a rendu moins disponibles pour traiter les dossiers du projet pilote.

L’impact de la crise COVID-19 a donc été important !
Enorme ! En plus du manque de ressources, nous avons reçu beaucoup de demandes d’essais cliniques liés au COVID-19. Dans une logique de lutte contre la pandémie, nous avons traité ces dossiers de manière accélérée – dans les quatre jours ouvrables contre environ vingt jours en temps normal. Ça aussi, cela nous a demandé du temps et de l’énergie …

Quels sont les enseignements que vous avez tiré de ce projet pilote ?
On a pu constater que tout ce qui avait été prévu fonctionnait bien. On a évidemment aussi appris sur le tas et on a amélioré le processus au fur et à mesure de l’avancement du projet pilote. La collaboration avec le Collège Essais Cliniques et les comités d’éthiques s’est affinée, on a appris à se concerter. Toutes les parties prenantes ont également intégré la travail avec des délais stricts. Enfin, le projet pilote a permis aux sponsors de s’entraîner à préparer les dossiers en fonction des nouvelles exigences. 

Sponsors et comités d’éthique étaient-ils contents du travail effectué ?
Nous avons reçu énormément de retours positifs. Hormis le problème de délais, je pense qu’il y a eu peu de couacs. Tout le monde a trouvé cette manière de travailler efficace et enrichissante pour les essais cliniques. 

Votre charge de travail restera-t-elle la même, avec la nouvelle législation ?
Non. Dans la nouvelle législation, l’AFMPS est l’unique point de contact en Belgique. Nous recevons donc une série de questions qui, jusque-là, étaient destinées aux comités d’éthique. Notre responsabilité est aussi plus grande. L’AFMPS reçoit désormais l’ensemble des dossiers, y compris la partie éthique. Et, même si nous n’évaluons pas cette partie, nous devons vérifier si tout est complet. Nous validons donc des dossiers beaucoup plus volumineux. Cela nous donne plus de travail mais l’organisation est plus fluide et les dossiers sont plus solides. Ce qui est positif pour tout le monde : l’AFMPS, les sponsors et surtout les patients. 

Ce nouveau règlement est donc avant tout une amélioration pour le public et les participants aux essais cliniques …
Sans aucun doute. Le but est d’encore améliorer le contrôle pour garantir la sécurité des participants, pour garantir que l’essais mènera à des résultats interprétables et pour garantir plus de transparence des essais cliniques. En effet, tout citoyen pourra consulter les dossiers à tout moment. Avec un objectif final : proposer le plus vite possible des médicaments innovants au grand public, par exemple pour des maladies pour lesquelles il n’y a pas encore de traitement, sans jamais transiger sur leur qualité, leur efficacité ou leur sécurité. 

Share via
Copy link
Powered by Social Snap

AFMPS

https://rapportannuel.afmps.be