Des analyses minutieuses aux actions concrètes : comment l’AFMPS lutte contre les pénuries de médicaments

L’indisponibilité des médicaments est un problème qui concerne chaque année de nombreux patients. Cette problématique figure dès lors en haut des priorités, tant au niveau national qu’aux niveaux européen et international.. Ces dernières années, l’agence s’est investie dans une approche multiple de l’indisponibilité des médicaments, tant par des actions pratiques sur le terrain que par des initiatives législatives.

À l’AFMPS, tout signal d’une éventuelle pénurie est pris au sérieux et analysé en profondeur afin d’évaluer l’impact potentiel sur la santé publique. Sur la base d’un arbre décisionnel, les experts de l’AFMPS évaluent chaque indisponibilité, d’une durée d’un mois ou plus, qui est notifiée par les titulaires d’autorisation ou les distributeurs parallèles, afin d’en mesurer l’impact sur la santé publique. L’AFMPS peut ainsi mettre en place les mesures appropriées afin de minimiser les conséquences de l’indisponibilité pour les patients.

En cas d’indisponibilité critique, une task force est réunie pour formuler des recommandations et fixer des priorités. « Cette task force est composée d’experts pour le médicament spécifique qui fait l’objet d’une pénurie », explique Lara Wellens, de la cellule Indisponibilités, « elle comprend des médecins (spécialistes), des pharmaciens, des associations professionnelles, des organisations de patients et d’autres services publics. Ils peuvent, en concertation, suggérer un traitement alternatif, par exemple, mais parfois la priorité est également donnée à certaines indications et la task force peut alors décider du sort du stock restant du médicament. » Les indisponibilités critiques ne constituent heureusement qu’une petite part de l’ensemble des indisponibilités. Au total, pour 2023, le nombre d’indisponibilités critiques avoisinait les 1,14 %.

« Il est important de souligner que les notifications d’indisponibilité se produisent par présentation d’un médicament : c’est-à-dire en fonction du dosage, de la voie d’administration, de la forme pharmaceutique et de la taille du conditionnement », ajoute Lara, « une indisponibilité ne concerne donc pas toujours toute la gamme du médicament. Si la boîte de paracétamol de 30 comprimés de 1 gramme d’un fabricant particulier est temporairement indisponible, cela ne signifie pas que le médicament est indisponible. D’autres conditionnements de paracétamol, par exemple, peuvent encore être disponibles et constituer une solution pour les patients à ce moment-là. »

L’AFMPS investit continuellement pour lutter efficacement contre l’indisponibilité des médicaments. L’agence a ainsi lancé en 2019 l’application PharmaStatut. Dans celle-ci, les patients peuvent vérifier la disponibilité de leur médicament et s’inscrire pour être informés par e-mail de la disponibilité d’un médicament spécifique ou d’un groupe de médicaments. Les titulaires d’autorisation et distributeurs parallèles sont légalement tenus de fournir dans un délai de trois jours ouvrables les grossistes-répartiteurs (dans le cadre de leurs obligations particulières) et les pharmaciens. Les livraisons partielles ou interrompues sont automatiquement considérées comme des indisponibilités et doivent être signalées via PharmaStatut. Depuis avril 2021, les pharmaciens et grossistes-répartiteurs peuvent aussi contacter les titulaires d’autorisation et distributeurs parallèles via PharmaStatut s’ils suspectent une indisponibilité ou un problème de livraison. Ce système encourage les firmes à transmettre correctement leurs notifications.

Si le problème ne peut être résolu au niveau local, des solutions internationales/européennes sont recherchées. « C’est pourquoi nous coopérons intensivement avec les réseaux européens. Dans certains cas, nous devons constituer des stocks stratégiques. D’autres services de l’AFMPS, comme les services d’inspection, et d’autres instances publiques sont également souvent impliqués pour maîtriser la situation. L’Agence européenne des médicaments (EMA ou European Medicines Agency) peut par exemple envoyer une notification à tous les membres de ce réseau en cas d’importante pénurie. On examine ensuite dans quels pays il y a encore des médicaments alternatifs sur le marché. »

« La pénurie de thrombolytiques est un cas spécifique qui démontre la nécessité de telles mesures. Les thrombolytiques sont des médicaments qui dissolvent activement les caillots sanguins et sont utilisés dans des situations potentiellement mortelles, comme l’obstruction d’un vaisseau sanguin. Les thrombolytiques sont par exemple utilisés en cas de crise cardiaque, d’embolie pulmonaire, d’AVC ou de thrombose. Ces médicaments sont donc essentiels pour sauver des vies », explique Lara. « Fin 2021, un problème de qualité s’est posé avec un thrombolytique largement utilisé en Belgique, ce qui a entraîné une pénurie aiguë de ce médicament dans le pays. Deux médicaments alternatifs n’ont pas pu apporter de solution à l’époque, en raison d’un problème de capacité mondiale pour ces médicaments. La Belgique n’a plus répondu qu’à environ 50 % des besoins en thrombolytiques à ce moment-là. »

D’autres pays étant également confrontés à des problèmes d’approvisionnement en thrombolytiques, aucun stock n’a pu être importé de l’étranger dans un premier temps. L’AFMPS a donc mis en place une distribution contrôlée de ces médicaments, en attribuant aux hôpitaux un quota mensuel basé sur leur consommation historique. Les hôpitaux devaient communiquer leur stock chaque semaine. Si le stock de l’hôpital descendait sous le seuil, il pouvait obtenir un nouveau stock. Une task force a été organisée très régulièrement pendant la période où la situation était très critique, même sur une base hebdomadaire pendant un certain temps.

Lara ajoute que « La situation était très inconfortable pour les hôpitaux, car la consommation de thrombolytiques peut fluctuer d’un mois à l’autre. Mais de cette manière, nous avons pu éviter une rupture de stock totale. En ce moment, la Belgique dispose d’un stock stratégique du thrombolytique indisponible. Les hôpitaux peuvent passer commande auprès du SPF Santé publique, mais cette commande est bien sûr soumise à des quotas. La firme des autres thrombolytiques a aussi beaucoup investi pour augmenter la production. Les hôpitaux ont mis en place des protocoles pour faire face à des approvisionnements limités et nous avons communiqué et collaboré de manière intensive pour veiller à ce que les médicaments disponibles soient utilisés le plus efficacement possible. »

L’indisponibilité critique des thrombolytiques a été maîtrisée non seulement grâce aux efforts des hôpitaux, des membres de la task force et de l’AFMPS, mais aussi grâce à des contacts étroits avec les firmes pharmaceutiques, les autres États membres et le réseau européen. D’autres services de l’AFMPS ont également été impliqués dans ce dossier. Les services d’inspection et les experts de la DG PRE autorisation ont accompli un énorme travail. L’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI) a également contribué par le biais de la task force. Par exemple, ils ont veillé à ce que les appareils de thrombectomie, qui aspirent un caillot sanguin, soient temporairement remboursés.

« S’il y a une chose que nous retenons pour l’avenir, c’est l’importance de la coopération (inter)nationale et de la gestion des stocks. L’industrie pharmaceutique doit continuer à investir dans la diversification des capacités de production. L’expérience de la pénurie de thrombolytiques a permis de mieux comprendre la nécessité d’un suivi continu, d’une coopération étroite entre tous les acteurs concernés et de solutions flexibles. Une coordination et une coopération approfondies sur tous les aspects de ce processus complexe, ainsi qu’une gestion de crise efficace, sont vraiment essentielles pour protéger la santé publique et sauver des vies », conclut Lara.

Lara Wellens

Nos experts de l’AFMPS

Lara Wellens est cheffe ad interim de la cellule Indisponibilités au sein de la division Bon usage. Son équipe est responsable du suivi quotidien des indisponibilités temporaires et des arrêts de commercialisation des médicaments. Dans ce cadre, elle collabore avec différents experts internes et externes à l’AFMPS. La cellule gère aussi l’application PharmaStatut, qui a été développée pour récolter des informations quant à la disponibilité des médicaments en Belgique.